Sans retenue : Aliev, censeur de l’histoire et de la politique française

Le président azerbaïdjanais a accueilli le sommet du “Groupe de contact du Mouvement des non-alignés” sur la relance post Covid-19, le 2 mars, à Bakou, en présence de hauts représentants d’environ 70 pays. Dans son discours inaugural, Aliyev a multiplié les attaques contre l’ordre international en général et contre la France en particulier. La diplomatie azerbaïdjanaise s’est fixée comme objectif d’asseoir l’image de l’Azerbaïdjan comme une puissance régionale forte, aux ambitions internationales. Chemin faisant, l’autocrate de Bakou bride de moins en moins son agressivité verbale et son mépris de l’ordre international.

Jeudi 2 mars, Bakou a accueilli le Sommet du “Groupe de contact du Mouvement des non-alignés” sur la relance post COVID-19. Dans son discours inaugural devant les représentants de 70 pays, Ilham Aliyev a souligné que “l’architecture de sécurité internationale connaissait des changements importants dont le multilatéralisme est l’enjeu”, appelant le “Mouvement des Non-Alignés” à “participer activement à refaçonner le nouvel ordre mondial.” Face à “la montée du néo-colonialisme”, dont “les territoires administrés par la France en dehors de l’Europe sont de déplorables vestiges”, Aliyev, se posant en héraut des peuples opprimés, a rappelé le soutien indéfectible de son pays à la revendication de souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte. Le mépris du président azerbaïdjanais pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, bien connu concernant les Arméniens du Haut-Karabakh, s’étend aux habitants de Mayotte, eux qui ont exprimé à deux reprises par référendum leur choix de rester au sein de la République française. Aliyev va plus loin dans sa dénonciation de la France, qu’elle appelle “à s’excuser pour son passé colonial et ses crimes coloniaux ainsi que ses actes de génocide contre les pays membres du Mouvement des non-alignés en Afrique, en Asie du Sud-Est et dans d’autres endroits.” La France n’est certes pas exempte d’épisodes violents dans son histoire coloniale, mais elle a indéniablement progressé depuis les années 1980 dans le travail d’histoire et de mémoire sur un nombre croissant d’entre eux. On est loin de pouvoir en dire autant de l’Azerbaïdjan, pays classé “régime autoritaire consolidé” par Freedom House depuis des années – avec un score d’index de libertés de 9/100 pour 2022- et où l’historiographie, dominée par l’ultranationalisme, est cimentée par l’arménophobie.   

I. Aliyev a également abordé la question de la réforme du système des Nations unies, en discussion depuis longtemps, en souhaitant qu’un siège permanent du Conseil de sécurité soit attribué au Mouvement des non-alignés sur une base rotative, ce qui permettrait à l’Azerbaïdjan de se faire entendre encore un peu plus. Quelques jours plus tôt, il exprimait une demande similaire au nom de l’Organisation de la Coopération Islamique. Remarquant que le conseil de sécurité ne fonctionne pas, Aliyev se gargarise d’avoir “de lui-même restauré l’intégrité territoriale et la justice par des moyens militaires et politiques en 2020”; comprenez: l’Azerbaïdjan a déclenché une guerre contre les Arméniens du Haut-Karabakh afin de régler le problème de l’autodétermination de la région par la force. Aliyev n’a pas manqué de remercier les pays membres du Mouvement des non-alignés pour leur soutien au Conseil de sécurité de l’ONU en 2020 et 2022. Il s’agissait en l’espèce de condamner l’agression militaire de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie voisine, en septembre 2022, et le blocus de la population civile du Haut-Karabakh en décembre 2022. Des condamnations de ce type ne sont pas des rappels du droit international pour Aliyev, mais des “ déclarations anti-azerbaïdjanaises”. Derrière les mots sur les malfonctionnements du multilatéralisme se fait entendre un discours anti-occidental. Le blocus des Arméniens du Haut-Karabakh, qui dure depuis près de trois mois et par lequel cette population est isolée du reste du monde, rationnée en alimentation, en médicaments, en soins, en énergie et dont les enfants sont privés du droit à l’école, c’est ce que fait le président azerbaïdjanais au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour répondre à la mise en danger de toute une population, reconnue par la Cour de Justice Internationale fin février 2023, une résolution du Conseil de sécurité est nécessaire.