La tactique du salami employée par Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine fait des émules à Bakou. Le 20 septembre 2022, le gouvernement azerbaïdjanais publie et fait relayer dans les réseaux sociaux une fiction dénommée « République du Goycha-Zangazour ». Cette dernière se déploie sur les régions sud et est de l’Arménie, sur lesquelles Aliev a amorcé l’avancée de ses troupes il y a deux semaines. Alors qu’un cessez-le-feu tient sur un fil grâce aux pressions conjuguées de la France, des Etats-Unis et aux efforts, plus discrets, de la Russie, Aliev affirme, le 21 septembre 2022, que “personne n’arrêtera [l’Azerbaïdjan]”.
Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a trouvé son origine dans le statut contesté de la région du Haut-Karabakh. Cependant, depuis la guerre de 2020, l’Azerbaïdjan a étendu ses prétentions et cherche à compléter la réalisation d’un certain nombre d’objectifs laissés inachevés, profitant de la faiblesse de l’Arménie et surtout de celle grandissante de la Russie. Après Poutine sur l’Ukraine, Aliev utilise, lui aussi, la tactique du salami appliquée au territoire de l’Arménie.
Le président azerbaïdjanais a déclaré à de nombreuses reprises depuis novembre 2020 que les « voies de communication” prévues par la déclaration du 9 novembre se résument pour lui à un «corridor du Zanguezour” reliant l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan (située entre la Turquie et l’Arménie) passant au sud de l’Arménie mais dont cette dernière serait exclue: aucun droit de regard sur la circulation des personnes, des biens, et des marchandises sur son propre sol, ni de bénéfice commercial. Aliev a menacé plusieurs fois de “résoudre ce problème par la force».
L’agression militaire du 13 septembre dernier représente une tentative sérieuse de s’emparer du territoire arménien, avec des attaques sur toute la longueur de la frontière et des bombardements intenses qui ont forcé les écoles à fermer et des milliers de personnes à fuir leurs maisons. Bien qu’un cessez-le-feu informel ait été mis en place le 15 septembre, permettant de réduire la fréquence et l’intensité des attaques, le président Aliyev continue ses discours violents, en toute impunité.
Le 20 septembre dernier, une étape de plus est franchie dans les projections véhiculées par l’Azerbaïdjan sur le territoire de la République d’Arménie. Une fiction, nommée depuis plusieurs années par intermittence dans le discours d’Aliev, est maintenant revendiquée comme réalité à faire advenir : la “République du Goycha-Zangezour”. Une carte fabriquée par le gouvernement azerbaïdjanais projette la revendication territoriale de ce dernier sur tout le sud et l’est de l’Arménie. S’inspirant de la tactique du salami, mise en œuvre par Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine, Aliev prépare le terrain pour d’éventuelles futures opérations militaires dans une région où les rapports de force entre les différents acteurs sont en plein bouleversement. Il tente également de mobiliser la société azerbaïdjanaise, qui n’a pas accueilli avec toute la ferveur souhaitée la guerre d’agression lancée contre l’Arménie, autour de cette fiction. Sur un plan stratégique, après avoir avancé les positions azerbaïdjanaises au-delà de la ligne de contact établie en novembre 2020 entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, l’objectif est de créer une “zone tampon” entre les deux pays, en grignotant le territoire du voisin.