France-Arménie: les attentes de la coopération de défense 

Par Anna Baghdasaryan

Lundi dernier, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, et son homologue arménien, Suren Papikyan, se sont réunis à l’Hôtel de Brienne pour officialiser, de manière très protocolaire, la coopération bilatérale de défense initiée il y a exactement un an. Les accords incluent la fourniture de systèmes de défense sol-air à l’Arménie, ainsi que l’engagement de la France à appuyer les réformes des forces armées arméniennes, en particulier par la formation et l’accompagnement de leur modernisation. 

Cette démarche de la France témoigne d’un soutien défensif à l’Arménie, particulièrement important au vu des risques d’agression contre le territoire arménien. La France s’engage à travers ces accords à renforcer la capacité de défense de l’Arménie et à envoyer des instructeurs militaires français pour la formation des troupes à Erevan. Si la cérémonie a eu lieu après l’offensive éclair de l’Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh en septembre dernier et le nettoyage ethnique de la région, c’est bien l’agression militaire de septembre 2022 contre le territoire souverain de l’Arménie qui a déclenché l’attention de la France.

Lors de la rencontre, les ministres de la Défense français et arménien ont présenté les éléments d’une nouvelle relation stratégique. Le ministre français a mis en avant le caractère “défensif” des équipements fournis et a souligné qu’il ne s’agissait pas de dons, contrairement à l’aide militaire accordée à l’Ukraine, mais de contrats d’équipement formels.

Parmi les éléments clés de cette coopération figure l’acquisition par l’Arménie d’un système de missiles de type Mistral (sol/air) et trois Radars de détection GM200 du groupe Thales. Ces radars ont pour vocation de détecter les menaces aériennes de moyenne portée, notamment les avions de chasse, les hélicoptères et les drones, dans un rayon de 250 kilomètres.

La ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, avait déjà annoncé, lors de sa dernière visite en Arménie, que Paris était disposé à conclure un accord de fourniture d’équipement militaire avec Erevan. Cependant, les détails n’avaient pas été précisés, et cette annonce semblait principalement avoir pour objectif de rassurer la diaspora arménienne en France. 

Cette déclaration avait été vivement critiquée par Bakou, conduisant le président azerbaïdjanais Aliyev à annuler sa participation aux discussions en marge du Sommet politique européen à Grenade le 5 octobre 2023. Ce point a également été évoqué durant la conférence de presse par un correspondant de l’Agence Anadolu (affiliée au gouvernement turc), qui a demandé à Sébastien Lecornu “comment il pouvait garantir que les armes fournies par la France à l’Arménie seraient utilisées exclusivement à des fins défensives et qu’elles ne seraient pas employées pour envahir le territoire azerbaïdjanais comme cela s’était produit il y a trois décennies lors de la première guerre du Karabakh”.

En réponse, le ministre français des Armées a tout d’abord souligné que les armes destinées à Erevan avaient une vocation purement défensive. Il a expliqué : “Le système de défense sol-air ukrainien est actuellement utilisé pour protéger contre des attaques provenant de Russie, et par sa nature même, la défense sol-air ne s’active que lorsqu’il y a une agression”. Il a poursuivi en précisant : “Ainsi, si le ministre de la Défense arménien décide d’acheter des équipements visant à protéger le ciel, et souvent les populations civiles qui se trouvent en dessous, c’est, par essence, en réponse à une agression”. Enfin, il a affirmé : “Par conséquent, il s’agit d’armements qui, en raison de leur nature même, ne peuvent être utilisés que lorsqu’il y a une agression sur le territoire arménien, souvent mettant en danger des populations civiles en contrebas.”

Le ministre français des Armées a souligné que nous vivons actuellement une époque marquée par une importante guerre de l’information et a estimé que la question posée par Anadolu lui avait permis de répéter clairement la position de la France sur cette question. Il a conclu que “personne ne peut reprocher à un État souverain de défendre son espace aérien et la population qui se trouve en dessous”.