Par Taline Papazian
« L’armée reste une des orientations les plus importantes de la construction étatique », a déclaré le ministre de la Défense Souren Papikyan dans son discours du 28 janvier 2024, à l’occasion du 32ème anniversaire de l’armée. L’objectif d’une « armée professionnelle » aux « standards du 21ème siècle » est souvent mis en avant par le gouvernement, mais jamais expliqué ni globalement en termes de vision, ni dans les détails. Tout en rendant hommage à l’ensemble de l’armée, « des simples soldats aux généraux », Papikyan est venu présenter un bilan provisoire, insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un travail en cours, présentant des problèmes, mais allant dans la bonne direction pour arriver à « une armée professionnelle ». Suit une liste des principales mesures adoptées ces deux dernières années. La pièce maîtresse des réformes en cours est l’amélioration de l’instruction des soldats et la qualité de la formation des officiers.
« L’armée reste une des orientations les plus importantes de la construction étatique », a déclaré le ministre de la Défense Souren Papikyan dans son discours du 28 janvier 2024, à l’occasion de la Journée de l’armée. Premier point : mise en place d’un processus de certification. Elle est citée comme la mesure la plus importante adoptée en 2023, servant l’objectif d’améliorer le niveau de formations et d’instruction des militaires. La certification concerne les soldats, et également, sur la base du volontariat, les officiers. Le système de certification, accompagné d’incitations morales et matérielles, doit créer un cercle vertueux, amenant à l’élargissement des candidats à la certification, d’après le Ministre. Papikyan souligne aussi la nécessité d’augmenter la quantité et la qualité des candidats à une carrière militaire : « plus nous aurons de candidats aux écoles militaires et aux carrières d’officiers, plus il nous sera facile de choisir les meilleurs. » Des mesures incitatives matérielles ont donc été adoptées : tout officier qui sortira diplômé de l’académie militaire aura droit à un logement de 3 pièces, qui au bout de 20 ans de service lui appartiendra en propre.
Deuxième point : le système éducatif. Papikyan insiste sur les nouveaux choix pédagogiques et de gouvernance des deux académies militaires arméniennes. Les académies militaires de l’armée de terre et de l’armée de l’air ont été fusionnées dans un centre éducatif unique, l’Académie militaire Vazgen Sargsyan, où une partie des contenus académiques et de la gouvernance financière ont été communalisés. L’esprit pédagogique y est renouvelé souligne le Ministre, ce dont témoigne l’augmentation du nombre de candidats. Début janvier 2024, l’Académie Vazgen Sargsyan a rejoint l’Association Internationale des Académies militaires, fondée en 2017 par 7 académies (canadiennes, suédoise, française, colombienne, étasunienne et espagnole) et regroupant près de deux dizaines d’Académies militaires au monde. Cette association ouvrira de nouvelles possibilités de partages de savoirs et de partenariats internationaux à l’Académie VazgenSargsyan.
Troisième point : la réserve, un des points noirs de la guerre de 2020. Papikyana cité trois mesures : le programme « Bachtban hayréniats », qui permet une complémentarité entre militaires contractuels et conscrits ; l’adoption d’un nouveau calendrier d’entraînement des réservistes, passé à 25 jours intensifs au lieu des 90 qui existaient auparavant – et qui étaient, dans les faits, largement non appliqués- ; et « les travaux intensifs sur la formation des forces de défense territoriale », malheureusement non développés dans le discours du ministre.
Quatrième point : l’implication des femmes. L’adoption d’un service volontaire de 6 mois ouvert de 18 à 27 ans pour les femmes, est une mesure qui n’est pas simplement destinée à compléter les ressources démographiques de l’armée, insiste le Ministre, mais sert un objectif plus général que chaque personne « se sente impliquée dans la défense de la patrie. »
Cinquième point : le travail sur les relations réglementaires. Au cœur des opérations quotidiennes, Papikyan cite « le travail pour que seules des relations réglementaires aient cours dans l’armée », dont les exigences sont à la fois juridiques, psychologiques et éducatives. Travail pas vraiment visible, estime Papikyan, car s’il est impossible de dénombrer le nombre de drames évités, le nombre de drames réels, lui, saute aux yeux. « Le fameux adage selon lequel « l’armée est miroir de la société » ne doit pas nous servir de justification, mais doit nous inciter à travailler de conserve avec différentes institutions pour limiter la quantité de pratiques négatives entrant dans l’armée. » , conclut-il. Bien que Papikyan estime que l’impunité est intolérable et que personne dans l’armée ne doit être au-dessus des lois, on en est loin.
Sixième point : l’armement et les partenariats. Les achats d’armes modernes, les nouveaux partenaires et la diversification des coopérations dans le domaine de la défense sont cités comme étant des pierres apportées aux risques sécuritaires de l’Arménie. Cette rubrique « fourre-tout » aurait mérité des développements plus détaillés ou bien à défaut, une ligne d’orientation claire et un objectif global. Les efforts du secteur privé national pour apporter des productions locales de qualité ont été mis en avant par le Ministre, une « direction que nous poursuivons de manière claire et concrète ».
Septième et dernier point : des mesures pour améliorer l’organisation de la conscription, via des mécanismes plus simples et plus clairs pour améliorer les relations avec les familles et lutter contre les pratiques de « parrainage » et de « préférences », autrement dit des pots de vins pour les affectations. Ces mesures, récentes, voire très récentes, paraissent toutes intéressantes, mais le sentiment qu’une perspective stratégique surplombante manque aux réformes persiste, du moins pour ce qu’on peut en juger à partir des discours publics.