Prisonniers de guerre : l’espoir d’une libération partielle

Prisonniers de guerre arméniens

Le 7 décembre 2023, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont publié une déclaration commune, à l’issue de pourparlers entre le cabinet du Premier ministre arménien et la présidence azerbaïdjanaise, confirmant leur « intention de normalisation » des relations, très tendues après des décennies de guerre. Faisant mention des valeurs d’humanité et dans un signe de bonne volonté, l’Azerbaïdjan s’est engagé à libérer 32 soldats arméniens. Une “humanité” en retard de trois ans et qui n’empêche pas de marchander la vie humaine : le principe d’un échange “tous contre tous” proposé par l’Arménie a été refusé. Si Bakou tient son engagement de libérer 32 prisonniers, elle en conservera à peu près autant

Détenus au mépris du cessez-le-feu de 2020 depuis plus de trois ans, les prisonniers de 2020, dont 7 civils, ont vu leurs rangs grossir en 2021, 2022 et 2023 de militaires et de civils, au gré des agressions militaires de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. L’avancée des forces armées azerbaïdjanaises sur le territoire arménien rend le passage malencontreux de la ligne de contact beaucoup plus fréquent. À l’été 2023 puis dans la foulée de l’attaque du 19 septembre contre la région du Haut-Karabakh, plus d’une dizaine de civils dont d’anciens représentants de la république du Haut-Karabakh ont également été arrêtés par les forces de sécurité azerbaïdjanaises. Certains de ces prisonniers ont déjà été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement au terme de simulacres de procès.

Les prisonniers sont un instrument de pression que l’Azerbaïdjan utilise pour faire pression sur l’Arménie. Depuis trois ans, l’Arménie réclame le retour des prisonniers civils et militaires à l’Azerbaïdjan. Cet engagement faisait partie des stipulations du cessez-le-feu de novembre 2020 et leur maintien en captivité contrevient au droit de la guerre. Quant aux prises d’otages hors guerre, elles constituent des infractions au droit humanitaire international. Après les premières libérations réciproques de décembre 2020 sous médiation russe, en trois ans, seulement 25 prisonniers ont été libérés. Mais plusieurs dizaines se sont ajoutés à leurs rangs. La dernière libération de prisonniers de guerre datait de septembre 2022, et avait suivi de quelques jours une rencontre sous médiation de par Charles Michel, le président du Conseil européen : 5 prisonniers de guerre de 2020, de 18 à 25 ans avaient été relâchés quelques jours avant l’attaque de 12-14 septembre 2022. Elle avait été précédée par la libération de 15 prisonniers en juin 2021, via une médiation géorgienne activement soutenue par les Américains et les Européens. L’Arménie avait fourni à l’Azerbaïdjan des cartes de mines antipersonnelles plantées pendant et après la première guerre du Haut-Karabakh en particulier dans la région d’Aghdam.

La nouvelle d’une libération à venir a été accueillie avec une joie immense par les familles. Depuis l’annonce cependant, l’attente continue de durer. Pour les dizaines de familles qui n’auront pas le soulagement de retrouver peut-être bientôt leurs enfants, l’angoisse continue. 

Le nombre exact de prisonniers est lui-même difficile à obtenir. L’Azerbaïdjan ne donne pas leur nombre, entretenant à dessin le flou. En fonction des sources (gouvernementales ou ONG), le nombre d’otages varie de 45 à 80. Ces personnes sont détenues en violation flagrante du droit international, notamment de la charte des Nations unies et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, auxquelles l’Azerbaïdjan a adhéré. Les conditions de leur détention sont particulièrement préoccupantes. Les témoignages des prisonniers libérés en 2021 et 2022 a fait état d’humiliations et de tortures. La communication avec les familles est rare, pour certains elle est même inexistante. Aucun contrôle indépendant n’existe et même aucun accès, même consulaire, à leur lieu de détention. « Ces otages ont besoin d’une protection internationale, car il n’y a pas un seul juge azerbaïdjanais qui les libérerait, personne ne peut contredire le président Aliev », a déclaré Luis Moreno Ocampo, l’ancien procureur général de la Cour pénale internationale, citant un rapport du département d’État américain publié en 2022 mentionnant que l’Azerbaïdjan n’a pas de système judiciaire indépendant et « que les prisonniers sont torturés et tués ».

Des lauréats du prix Nobel, des chefs d’entreprise, d’anciens chefs d’État et humanitaires figurent parmi la centaine de personnalités internationales qui ont signé, le 12 décembre, une lettre appelant à la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers illégalement détenus par Bakou à la suite de l’invasion et de la prise de contrôle de la région du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan en septembre dernier, parmi lesquels figurent huit prisonniers politiques arméniens, anciens dirigeants du gouvernement du Haut-Karabakh.