L’Inde, un partenaire au potentiel stratégique

Dernier achat en date réalisé par l’Arménie auprès de l’Inde: le système radar Swati. L’occasion pour le journaliste Patrick Elliott, de Civilnet, d’accueillir Manu Pubby, rédacteur en chef de l’Economic Times et spécialiste de la politique de défense et de sécurité, pour une discussion approfondie sur les relations de défense entre l’Arménie et l’Inde.

Une relation historique et stratégique

Manu Pubby souligne que les relations entre l’Arménie et l’Inde remontent à plusieurs siècles, avec des échanges commerciaux et culturels. Il enchaîne sur l’empathie créée par la mémoire indienne des effets de la colonisation en termes de déplacements forcés de populations. Pubby cite sa propre expérience familiale ainsi que des épisodes du conflit du Kashmir pour illustrer comment les expériences où la “collusion de la force et des forces autoritaires pour aboutir à des changements sur le terrain” vécues par les Indiens résonnent avec la situation arménienne. Durant la guerre du Karabakh de 2020, “la communauté indienne s’est tissée dans la société arménienne”: les étudiants indiens ont participé à des initiatives étudiantes de collecte de fournitures et de nourriture destinés aux soldats; le propriétaire de India Mayhak, le meilleur restaurant indien de la ville, préparait des repas gratuits à destination du front. “C’était la première fois que nous avons commencé à nous sentir vraiment comme une communauté, c’était très intéressant.”

Coopération militaire et défis régionaux

Manu Pubby met en relief la coopération militaire croissante entre l’Inde et l’Arménie. Il note que l’Inde, cherchant à devenir autosuffisante dans la production d’armes, voit en l’Arménie un partenaire idéal pour développer et exporter ses propres systèmes de défense. Des achats récents d’armes, tels que des lance-roquettes multiples et des canons d’artillerie, illustrent cette dynamique. Pubby explique également les avantages stratégiques pour l’Arménie de ces systèmes dans le contexte de la guerre de montagne, un domaine où l’Inde possède une expertise considérable. L’Inde fournit à l’Arménie des capacités de guerre létale, ce qui ne va pas sans difficulté avec d’autres partenaires. “Nous, en Inde, nous partons du principe que quand nous faisons confiance à l’Arménie comme pays, nous lui faisons aussi confiance pour utiliser ces armes comme il le faut. Nos pays partagent des valeurs, il n’y a donc pas de crainte, dans les esprits, que ces armes puissent être employées à mauvais escient.” 

Formation et partenariats technologiques

La discussion aborde également les initiatives de formation conjointe entre les forces armées arméniennes et indiennes. Pubby décrit comment l’expérience de l’Inde dans les conflits de basse intensité et la guerre de montagne pourrait bénéficier à l’Arménie. Les troupes indiennes, ayant des décennies d’expérience dans des zones montagneuses à haute altitude, peuvent partager des tactiques et des techniques de survie précieuses. Les deux pays explorent également des transferts de collaborations technologiques. Des systèmes de défense aérienne produits conjointement avec Israël pourraient même faire partie des éléments. En dépit des obstacles évidents d’un accord sur un transfert de ce type, Pubby a confiance dans les capacités diplomatiques indiennes: “L’Inde est un maître en diplomatie, ils pourraient trouver une manière de faire. Je ne dirais pas que ceci dépasse les compétences de nos gars.”

Implications géopolitiques

L’entretien se termine par une analyse des implications géopolitiques de ce partenariat de défense. Pubby évoque la montée en puissance de la Chine et ses ambitions dans la région, notamment à travers l’initiative Belt and Road. Il souligne l’importance de diversifier les sources de technologie et d’établir des alliances solides pour contrer l’influence croissante de la Chine. La Chine, en utilisant des alliances stratégiques avec le Pakistan et la Turquie, cherche à étendre son influence en Eurasie, rendant la coopération arméno-indienne d’autant plus cruciale.

L’interview complet : ici