Dans un monde où les informations circulent à une vitesse fulgurante, le phénomène des fausses nouvelles, ou « fake news », a pris une ampleur inquiétante. La diffusion intentionnelle d’informations erronées, souvent dans le but de manipuler l’opinion publique, est facilitée par l’essor des réseaux sociaux et des plateformes en ligne. Pour faire face à cette situation, la vérification des faits et des sources est un outil indispensable à maîtriser pour préserver la véracité des informations et, avec elle, des valeurs inhérentes aux sociétés démocratiques, lesquelles ne peuvent exister sans un public correctement et honnêtement informé.
Ce qui était avant un impératif pour les seuls professionnels du secteur, en particulier les journalistes, est devenu une exigence que tout citoyen doit se donner et cultiver. Le fact-checking, ou vérification de l’exactitude des informations avant leur publication, doit permettre de s’assurer que le public reçoive une information vraie.Le fact-checking nécessite de croiser des sources fiables, consulter des bases de données crédibles et interroger des experts en cas de doute. Pour lutter contre la désinformation, l’éducation aux médias et la sensibilisation à l’importance de la vérification des faits sont essentielles. Les lecteurs doivent être encouragés à vérifier les sources des informations qu’ils consomment, à se poser des questions critiques et à utiliser des outils de vérification pour repérer les fake news.
En Arménie, le fact-checking est encore insuffisamment pratiqué, mais on saluera le travail d’agences telles que Fact Investigation Platform (FIP.am), depuis 2016, et les initiatives du Media Initiatives Center, en particulier auprès des étudiants en journalisme en termes de pédagogie de la recherche des faits et d’éducation à l’esprit critique. Des organes de presse comme Armenpress et CivilNet s’efforcent de maintenir des standards rigoureux de vérification afin de garantir la fiabilité de leurs publications. Ces organisations collaborent avec des médias internationaux et des experts locaux pour vérifier et, le cas échéant, démentir les fausses informations qui circulent, notamment sur les réseaux sociaux. Déclarations d’hommes ou femmes politiques ou de fonctionnaires de haut-rang, arméniens et étrangers, sont ainsi régulièrement passés au crible et classés de franchement faux à véridique, en passant par manipulateur ou truqué/fabriqué.
Les journalistes doivent enfin avoir conscience de leur responsabilité et de leur un rôle dans le champ de l’information. Ils se doivent d’être exemplaires en ne diffusant que des informations vérifiées et en étant transparents sur leurs méthodes de travail. S’il est plus difficile de faire la part du vrai et du faux aujourd’hui, les outils se sont toutefois améliorés et permettent aux journalistes sérieux de continuer à faire leur travail en conscience. Des plateformes comme Google Fact Check Explorer, Snopes, et PolitiFact sont couramment utilisées pour vérifier la véracité des nouvelles. InVID, un outil d’analyse de vidéos, permet de détecter les manipulations en décomposant les images afin d’identifier leur source d’origine. TinEye et Google Reverse Image Search aident également à repérer les images falsifiées ou sorties de leur contexte. S’il est certain que la vérité est la première victime de toute guerre, celle des 44 jours en 2020 a mis en évidence la perméabilité de la société arménienne face aux nouvelles fausses et/ou manipulatrices, diffusées aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur, et sa fragilité à la guerre de l’information. Sur ce plan également, l’Arménie a perdu la guerre. La panoplie des moyens de propagande numérique, bien maîtrisée et efficacement utilisée par l(es) adversaires, en mélangeant savamment le vrai et le faux, a exacerbé la polarisation de la société et rendu les efforts de médiation internationale encore plus difficiles.
La crise de confiance colossale de la société arménienne à l’égard de la parole, en particulier de la parole politique, ne s’est pas résorbée depuis. Cette crise de confiance explique d’ailleurs en partie le succès initial du mouvement de Monseigneur Bagrat, au printemps 2024, qui promettait des “vérités”. Les fausses nouvelles, que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix, attisent la haine, encouragent la violence et entraînent des décisions fondées sur des informations erronées. En fin de compte, le fact-checking est une arme indispensable pour protéger nos sociétés de la manipulation. Dans une époque où la frontière entre vérité et mensonge est souvent floue, il appartient à chacun de nous – journalistes, citoyens et acteurs de la société civile – de rester vigilant.