Babken Ararktsian, mathématicien de profession, ancien membre du Comité Karabakh, un des membres fondateurs du Mouvement National Arménien, est décédé le 13 décembre 2023, à l’âge de 79 ans. Il fut le premier Président de l’Assemblée nationale d’Arménie indépendante, en 1995. Il fait partie de la génération d’intellectuels et de savants nés en Arménie soviétique après la deuxième guerre mondiale et qui tout en faisant partie de l’intelligentsia soviétique restait habitée par les idéaux de liberté et d’indépendance de leurs parents. Sous Gorbatchev, entre 1988 et 1991, cette génération parvint à donner corps au mouvement de libération nationale autour de la lutte pour l’unification du Haut-Karabakh à l’Arménie soviétique puis pour l’indépendance de l’Arménie.
Il était l’un des 11 membres du Comité Karabakh, qui avait pris en charge l’organisation politique du mouvement du Karabakh fin 1987-début 1988 dans la région autonome du Haut-Karabakh et dans l’Arménie soviétique. À partir du 20 février 1988, quasiment tous les jours, les Arméniens descendaient place de l’Opéra, devenue en quelques mois place de la Liberté. Ils demandaient la réunification du Haut-Karabakh à l’Arménie. Sans violence. Dans le respect de l’ordre constitutionnel soviétique.
Il y a 35 ans, le terrible séisme du 7 décembre 1988 interrompait une tournée internationale du secrétaire général du Parti communiste de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev. Arrivant sur les lieux de la catastrophe qui vient de détruire les deuxième et troisième villes du pays et faire des dizaines de milliers de victimes, les Arméniens lui demandent encore de leur donner satisfaction sur le Haut-Karabakh. Trois jours plus tard, Gorbatchev ordonnait que les “provocateurs” du Comité Karabakh soient tous arrêtés. Le Comité fut démantelé, ses membres jetés en prison. Malgré leur absence, le mouvement national ne s’éteint pas, au contraire.
Babken Ararktsian fut emprisonné avec ses camarades jusqu’au 31 mai 1989. Le mouvement national arménien, fondé à leur retour en Arménie, mène la lutte pour l’indépendance jusqu’à son issue. « L’Arménie ne sera indépendante qu’après être devenue sujet en droit international. C’est le seul processus pour obtenir l’indépendance » – disait-il. Le Mouvement National Arménien choisit la voie de l’indépendance constitutionnelle, en pose les étapes, et la suit. En août 1990, la Déclaration sur l’Indépendance est adoptée, acte fondateur de la République d’Arménie. Élu président du Comité central électoral organisant le référendum sur l’indépendance douze mois plus tard, le 21 septembre 1991, Ararktsyan devient président de l’Assemblée nationale de la première législature.
Homme politique honnête, discret, il met ses compétences au service de l’État nouvellement indépendant et confronté à de multiples difficultés économiques et sociales, comme ses anciennes républiques sœurs, et à quelques unes singulières, résultat du séisme de 1988, du blocus énergétique imposé par l’Azerbaïdjan et de la guerre au Haut-Karabakh. Il démissionne de son poste en 1998, suivant en cela la démission du Président Ter-Petrossian. Il s’engage ensuite dans l’éducation de la jeune génération, travaillant à l’Université d’État d’Erévan et publiant plus de 30 ouvrages scientifiques et manuels universitaires. Dans les années 2000, Babken Ararktsian fonde et dirige l’organisation non gouvernementale « Armat » (Racine), qui soutient le développement de la démocratie et de la société civile et les droits de l’homme, notamment par des publications savantes et des manuels pratiques d’informations aux droits des citoyens.