Évaluation des enjeux et conséquences pour Erevan après l’affrontement israélo-iranien
La récente guerre éclair menée par Israël contre l’Iran, baptisée « guerre des 12 jours », a profondément bouleversé l’équilibre stratégique du Moyen-Orient et, par ricochet, affecté les intérêts de l’Arménie dans le Caucase du Sud. Dans une analyse publiée récemment par EVN Report, Nerses Kopalyan analyse l’impact considérable de cet affrontement en détail. Déclenchée initialement par Israël pour neutraliser les installations nucléaires iraniennes, l’opération a rapidement pris une ampleur décisive lorsque les États-Unis sont intervenus le 22 juin, bombardant avec précision les principaux centres nucléaires iraniens de Fordo, Ispahan et Natanz. L’opération, menée avec des bombardiers B-52 et des missiles Tomahawk, a exposé Téhéran à une vulnérabilité stratégique sans précédent.
Ces événements bouleversent les équilibres régionaux. L’Iran, pilier du « Croissant chiite », voit ses positions s’effriter : défaite du Hezbollah libanais, chute du régime d’Assad en Syrie, effondrement de ses réseaux de milices. Cette déroute pousse Téhéran à revoir sa stratégie sécuritaire. Selon l’auteur, face à cet affaiblissement, le régime iranien accélérera son programme nucléaire, considérant l’arme atomique comme son dernier recours pour survivre face à Israël et aux États-Unis.
Pour l’Arménie, cette situation crée une série de dilemmes complexes et préoccupants. Alors que le pays tente de diversifier ses partenaires en matière de sécurité et de politique étrangère, l’Iran constitue un corridor logistique et économique crucial pour l’Arménie, pays enclavé et isolé par des voisins souvent hostiles. L’aggravation prolongée des tensions entre Israël, les États-Unis et l’Iran aurait des conséquences dramatiques, exacerbant l’isolement d’Erevan et augmentant considérablement les risques de crises humanitaires et économiques à sa frontière méridionale.
Face à ce défi complexe, l’Arménie est amenée à adopter une politique subtile d’« ambiguïté stratégique ». Cette doctrine implique de maintenir délibérément une position diplomatique ambiguë sur les intentions réelles ou préférences explicites en situation de conflit régional. Contrairement aux grandes puissances qui utilisent cette approche pour manipuler l’incertitude stratégique, les petits États tels que l’Arménie y voient un moyen d’éviter les confrontations directes tout en préservant leurs relations bilatérales essentielles. Plus précisément, Erevan opte pour une « ambiguïté situationnelle », soutenant ouvertement des principes généraux tels que la paix et la stabilité régionale, tout en refusant de prendre parti de manière explicite ou directe.
Cette stratégie doit permettre à l’Arménie de se prémunir contre une implication directe dans les conflits tout en réduisant le risque de rupture avec ses alliés stratégiques essentiels. L’ambiguïté stratégique n’est donc pas simplement une préférence tactique, mais devient alors une exigence incontournable dictée par le réalisme politique et géostratégique.
Dans les mois à venir, alors que la région pourrait connaître une nouvelle escalade des tensions entre Israël, les États-Unis et l’Iran, Erevan devra, pour Nerses Kopalyan, impérativement préserver cette posture diplomatique équilibrée. L’Arménie doit soigneusement éviter toute prise de position définitive, privilégiant une approche pragmatique et mesurée visant à minimiser ses pertes potentielles.
En définitive, l’ambiguïté stratégique se révèle être la pierre angulaire indispensable d’une politique étrangère arménienne pragmatique, en phase avec les réalités mouvantes d’un Moyen-Orient profondément instable.