Le lancement de Hayasat-1, le tout premier satellite conçu et fabriqué par des scientifiques arméniens, vient d’entrer dans l’histoire. Jusqu’à présent, seuls 11 États ont été capables d’accéder à l’Espace et ont pu mettre en orbite un satellite. Hayasat-1, c’est « l’Arménie dans l’espace pour la science », pour reprendre le message figurant sur le corps du satellite. Il a été lancé le 1er décembre 2023, par une fusée Falcon 9 de la société SpaceX, à partir de la base aérienne de Vandenberg, aux États-Unis.
Événement historique pour l’Arménie : Hayasat-1 est une fabrication intégralement locale, de la conception à la réalisation en passant par le fund-raising. Mais aussi seulement une première étape. Une manière de démontrer et d’inciter les autorités arméniennes à soutenir activement les forces vives issues de la société arménienne, de la diaspora et du secteur privé dans leurs innovations et leur foi en l’avenir. Un tel soutien permettrait un saut qualitatif pour que la prochaine génération de Hayasat soit, en plus, équipée d’yeux et d’oreilles produites localement.
Attente, tension, inquiétude, agitation, jubilation, joie : ce sont toutes ces émotions qui ont traversé la soirée organisée pour suivre en direct le compte à rebours et le lancement du satellite Hayasat-1. Le satellite au format CubeSat, aux dimensions de 10 cm x 10 cm x 10 cm, a été mis au point par le laboratoire de recherche spatiale « Bazoumk » et le Centre d’innovation scientifique et d’éducation. Le 7 septembre 2023, le Ministre arménien de l’Industrie et des Hautes technologies, Robert Khachatryan, remettant au laboratoire de recherche spatiale « Bazoumk » sa licence d’exploitation, avait souligné l’importance que le gouvernement arménien accorde au développement des activités spatiales, conscient que les technologies spatiales – satellites, stations de réception, balayage par satellite, vidéosurveillance, systèmes de communication – sont un moteur industriel de la croissance mondiale.
En mai 2022, ArmSat-1 avait été le premier satellite arménien lancé dans l’orbite terrestre à bord d’un vaisseau spatial SpaceX depuis Cap Canaveral aux États-Unis. Mais tandis qu’ArmSat1 était une coopération entre la société nationale arménienne «Geocosmos» CJSC et la société espagnole «Satlantis», qui avait vendu le satellite au partenaire arménien, Hayasat est intégralement conçu et produit en Arménie. Hayasat-1 est une « preuve par le concept » que de petits moyens privés utilisés par des ingénieurs de qualité ayant une vision pour leur projet peut réussir.
« Bazoumk » est la première entreprise privée à obtenir une licence pour des activités spatiales en Arménie, et par suite, à bénéficier d’une exonération de la TVA, aux termes d’une loi “Sur l’activité spatiale”adoptée en mars 2020. Ce dispositif a contribué à une rationalisation des moyens financiers collectés lors de campagnes de dons réalisées sur la plateforme ReArmenia : quelque trois cent mille dollars qui auront suffi à mener le projet intégralement sur place. Avetik Grigorian, cofondateur et directeur exécutif de « Bazoumq », voit dans ce programme spatial une « reprise » des activités spatiales de l’Arménie, eu égard aux contributions des scientifiques arméniens aux programmes spatiaux soviétiques. Pour lui, Hayasat-1 n’est « que la première étape » de cette entreprise.
Le gouvernement arménien s’est engagé à ouvrir un centre d’opérations satellitaires dont un des objectifs est l’obtention d’imageries qui permettront de mieux contrôler les frontières du pays, une condition indispensable à la sécurité du territoire. Le manque d’images satellite, dont l’Azerbaïdjan dispose pour sa part abondamment, a figuré dans la liste des manques de la guerre des 44 jours. Une nécessité parfaitement intégrée par Masis Komrokian, directeur technique du projet, un ingénieur aéronautique originaire des États-Unis qui s’est installé en Arménie l’année suivant la guerre de 2020 : « l’Arménie, enclavée, n’a pas d’horizon terrestre. Il lui faut donc des yeux dans l’espace pour acquérir la visibilité qui lui manque sur terre. Bien sûr, nous pouvons payer pour utiliser les yeux des autres, mais une indépendance véritable serait d’avoir un satellite avec nos propres yeux et même nos oreilles ».
Une équipe scientifique de spécialistes assistera le centre d’opérations satellitaires. Pour l’Arménie, les usages de ces images seront nombreux, de la prévention et gestion des urgences à la protection de l’environnement, y compris la surveillance du changement climatique, en passant par la planification urbaine et routière, ou encore la géologie. Des usages commerciaux sont prévus aussi, avec la fourniture de services de transmission de données à d’autres opérateurs.