Lors du Forum diplomatique d’Antalya, le ministre arménien des Affaires étrangères Ararat Mirzoyan a été interrogé par plusieurs médias turcs. Dans un climat régional sous tensions, il a réaffirmé l’engagement de l’Arménie en faveur de la paix et de la normalisation des relations avec la Turquie et avec l’Azerbaïdjan, tout en exposant les blocages persistants du processus.
Avec Ankara: des avancées concrètes, mais une frontière qui reste fermée
Mirzoyan a salué la qualité du dialogue avec son homologue turc Hakan Fidan, précisant que plusieurs actions tangibles avaient été entreprises : survol aérien réciproque, inspection conjointe des infrastructures frontalières (Margara-Alican), ou encore restauration du pont historique d’Ani. « Le but ultime reste l’ouverture complète de la frontière et l’établissement de relations diplomatiques », a-t-il déclaré, évoquant également des projets de coopération énergétique et commerciale.
Le chef de la diplomatie arménienne voit dans cette normalisation un levier pour la stabilité régionale : « Un commerce massif peut s’ouvrir. Nous avons même évoqué une coopération dans les enceintes internationales, notamment sur des sujets moyen-orientaux où nos positions peuvent converger. »
Avec Bakou: un texte prêt, une signature qui se refuse
Concernant le processus de paix avec l’Azerbaïdjan, Mirzoyan a rappelé que le texte d’un accord était finalisé, et prêt à être signé, qualifiant cela d’« événement historique ». Pourtant, Bakou exige encore des conditions préalables, comme la dissolution du Groupe de Minsk de l’OSCE ou une modification de la Constitution arménienne.
Mirzoyan a rejeté d’éventuelles préoccupations territoriales de la part de Bakou qui resteraient en suspens après signature, rappelant que l’accord lui-même comporte la reconnaissance explicite des frontières héritées de l’URSS. Côté juridique arménien, toute ratification sera soumise à la validation de la Cour constitutionnelle arménienne, comme ça a été le cas du règlement bilatéral du processus de délimitation validé en septembre 2024, ce qui là aussi annule les craintes de Bakou sur d’éventuelles revendications territoriales.
En contrepoint, Mirzoyan a pointé du doigt la propre Constitution azerbaïdjanaise, qui fait référence à la République de 1918 et à des revendications territoriales englobant des régions arméniennes.
« Nous avons des inquiétudes légitimes, mais nous ne les utilisons pas pour bloquer la paix. Le véritable problème est peut-être que l’Azerbaïdjan ne veut tout simplement pas faire la paix », a-t-il ajouté.
Une médiation turque pas exclue, mais une préférence pour le bilatéral
Interrogé sur un éventuel rôle de médiateur pour la Turquie, Mirzoyan a reconnu la possibilité d’un apport constructif d’Ankara, tout en soulignant que les négociations bilatérales directes entre Erevan et Bakou avaient historiquement été les plus productives. « Nous n’avons pas de problème technique à discuter directement. »
Il a néanmoins précisé que, selon lui, la normalisation arméno-turque pouvait précéder celle avec l’Azerbaïdjan, ce qui irait à l’encontre de la position actuelle d’Ankara, qui conditionne l’ouverture totale des relations à un accord arméno-azerbaïdjanais.
Une paix soutenue par la société arménienne… pour combien de temps ?
Mirzoyan a affirmé que le gouvernement arménien bénéficie d’un soutien majoritaire pour son agenda de paix, malgré les critiques de l’opposition. Il a toutefois prévenu : « Si aucun résultat tangible n’est obtenu, ce soutien pourrait s’effriter. »
Selon lui, les attentes sont claires : ouverture des communications, reprise du commerce, résolution des questions humanitaires. « La paix ne se construit pas seul. Si nos voisins ne partagent pas notre vision, il sera difficile de maintenir cette ligne. »
La mémoire, oui: vivre dans le passé, non.
Enfin, Mirzoyan a abordé la délicate question du génocide arménien. Reprenant les propos du Premier ministre Nikol Pashinyan du 13 mars 2025 à Erevan, il a affirmé que la reconnaissance internationale du génocide ne figurait pas parmi les priorités de la diplomatie arménienne. « L’histoire est importante, mais vivre dans le passé est un piège. Nous devons avoir le courage de choisir l’avenir. »