Femmes pour la paix, (trop) en retrait

Azerbaïdjanaises et arméniennes sont de plus en plus nombreuses à s’engager pour la paix dans la région. Les femmes, et particulièrement les jeunes femmes, déplorent la surreprésentation masculine dans les pourparlers de paix depuis des décennies et y voient un frein à l’établissement de cette dernière. Focus sur quatre de ces militantes. Numéro 1 : Leyla ( le nom est changé à la demande de la personne interrogée ).

Après la récente agression de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, cette photographe azerbaïdjanaise de 32 ans décide de créer une plate-forme en ligne afin de réunir autour d’elle des artistes azerbaïdjanaises pacifistes qui condamnent la politique violente et la rhétorique irrédentiste de leur gouvernement. « C’était le cri du cœur d’une femme, qui est née et a grandi dans la haine, dans un discours permanent contre une nation. Après la guerre du Karabagh de 2020, cette récente agression militaire contre l’Arménie était la dernière goutte de ma patience. Et ce qui me faisait le plus souffrir, c’était le fait qu’une écrasante majorité du peuple azerbaïdjanais soutenait toujours le gouvernement : un gouvernement qui fait de nous, de nos cerveaux et de nos corps des machines ! La haine et la violence émergent en nous dès notre enfance, dès notre premier cours d’Histoire à l’école », raconte Leyla. Finalement, elle réussit à créer un groupe clandestin en ligne, réunissant une trentaine de femmes-artistes qui essayent, à travers leurs créations artistiques, de contribuer à ouvrir un horizon de paix. Dans un pays ayant un score de 9/100 en 2021 dans le classement mondial de la liberté (Freedom House, 2022), militer pour la paix c’est un choix personnel qui ne se fait pas sans se poser de nombreuses questions de son lieu de vie aux risques encourus pour soi et sa famille.

Leyla est persuadée qu’il faut féminiser la paix. La paix ne doit pas être monopolisée par les hommes. C’est un processus perpétuel dans lequel tous les membres de la société doivent s’engager activement pour qu’il réussisse. « En plus, la paix féministe nous permettra de mettre fin non seulement à ce conflit perpétuel, mais aussi au patriarcat, à la militarisation et à la predominance masculine dans deux pays; à savoir en Azerbaïdjan et en Arménie », ajoute Leyla. « Moi, pour ma part, je fais le premier pas vers une remise en question du rôle des femmes dans les processus de paix en soi.»

Malgré son quotidien très chargé, Leyla trouve toujours 30 minutes dans la soirée pour suivre l’actualité géopolitique. Elle se dit particulièrement touchée par le blocage en cours de l’unique route reliant le Haut Karabagh à l’Arménie. « Nos médias [azerbaïdjanais] ont déclaré qu’il s’agissait de militants écologistes qui demandaient que des représentants du gouvernement de Bakou soient autorisés à inspecter deux mines d’or du Karabagh. Il ne faut pas être une politologue pour comprendre que ce qui se passe actuellement là-bas, n’a qu’un nom : provocation. Depuis la guerre de 2020, notre gouvernement avait une opportunité historique d’ouvrir une page de paix avec l’Arménie. Tout était entièrement entre nos mains. Mais ce qui se passe actuellement, nous montre que ce gouvernement préfère le recours à une pression militaire et des exigences intransigeantes ».

Actuellement doctorante en arts visuels en Belgique, Leyla travaille sur la photographie humanitaire en s’interrogeant sur sa contribution effective à la diffusion des valeurs de paix et la promotion des droits humains. Elle travaille également sur son projet personnel dont elle n’a pas voulu nous raconter les détails. « Je souhaite donner vie aux histoires inspirantes de femmes qui consacrent leur vie à la cause la plus importante de toutes : la paix. Je cherche des pistes pour rendre à la photographie sa juste valeur: un témoignage pour la paix ».