L’année diplomatique de l’Arménie : défendre sa souveraineté tout en travaillant à des solutions diplomatiques et pacifiques pour une stabilité durable dans la région

Ararat Mirzoyan, ministre des Affaires étrangères de la République d’Arménie

Ararat Mirzoyan, ministre des Affaires étrangères de la République d’Arménie, a ouvert l’année avec une conférence de presse assez exhaustive, revenant à la fois sur les grandes orientations diplomatiques de l’Arménie et les enjeux régionaux. La grande majorité des nombreuses questions des journalistes concernaient les relations avec l’Azerbaïdjan, au lendemain de déclarations agressives du président azerbaïdjanais. Dans ce contexte toujours délicat et risqué, le Ministre a clairement souligné la position de l’Arménie face aux défis de la situation régionale et internationale, qui peut être résumée en quatre points : avec l’Azerbaïdjan, maintenir le cap des négociations pour parvenir à un accord de paix tout en étant lucide et réaliste sur l’appétence de Bakou pour la paix et en se donnant les moyens de défendre le territoire de la RA en cas de nouvelle agression ; avec la Turquie, continuer les efforts pour une normalisation des relations ; avec les partenaires européens et américain, approfondir les relations à tous les niveaux ; enfin, continuer d’élargir les relations avec le plus large éventail possible de partenaires internationaux. La Russie est peu évoquée, si ce n’est à travers la question des troupes russes encore stationnées en Arménie et par allusion, via “l’ingérence de pays tiers”. 

Délimitation de la frontière arméno-azerbaïdjanaise

Le ministre a insisté à plusieurs reprises lors de la conférence de presse sur la volonté de l’Arménie de poursuivre le processus de délimitation qui a marqué une avancée inédite en 2024. La prochaine réunion des deux vice-premiers ministres et de leur commission est prévue courant janvier 2025. Contre les tentatives répétées de l’Azerbaïdjan de présenter l’Arménie comme un “obstacle” ou une “barrière” dans le développement des relations régionales, Mirzoyan a souligné qu’à l’inverse l’Arménie se voit comme et fait des efforts pour devenir un “pont” ou un “anneau dans une chaîne” de connections reliant les nations à travers des voies de transport et des relations commerciales. Cette vision est incarnée dans le projet de “Carrefour de la paix”.

Normalisation des relations arméno-turques

Les relations avec la Turquie sont un point important de l’agenda diplomatique et de la vision de la paix régionale de l’Arménie. Mirzoyan a insisté sur le souhait et les efforts de l’Arménie pour établir des relations diplomatiques sans préconditions. Il regrette que la Turquie continue de lier cette normalisation au règlement des relations arméno-azerbaïdjanaises, alors qu’à l’inverse, débloquer les relations avec la Turquie pourrait faciliter grandement les discussions avec l’Azerbaïdjan. Les discussions se poursuivent à différents niveaux, y compris entre ministres, envoyés spéciaux et, à l’occasion, chefs d’Etat.

Présence des troupes russes en Arménie 

L’Arménie a en 2024 demandé et obtenu de la Russie le retrait des troupes russes près des villes de Meghri et d’Akarag avec l’Iran, et de l’aéroport de Zvartnots. Le ministre a précisé que ce retrait était logique au vu des accords liant les deux pays qui stipulaient que la présence des troupes russes était “provisoire”. Le ministre a précisé qu’à date clarifié que le retrait de la base militaire russe à la frontière avec la Turquie n’était pas à l’ordre du jour. Il a toutefois laissé entendre que ceci pourrait changer si la confiance était établie avec la Turquie et que les frontières étaient ouvertes.

Acquisition d’armes et mécanisme de contrôle bilatéral

L’Arménie achète des armes avec la préoccupation et le souci de défendre son territoire et en aucun cas de lancer une guerre. 200 km² du territoire de la RA sont occupés par l’armée azerbaïdjanaise, a rappelé le ministre, mais l’Arménie privilégie les discussions sur la délimitation de la frontière, y compris pour ces territoires occupés sur son sol souverain. Les achats d’armes sont à l’avantage de l’Azerbaïdjan tant en quantité qu’en capacité offensive et en nombre de partenaires commerciaux. En réponse aux “préoccupations vraies ou fausses” de Bakou concernant l’acquisition d’armes par l’Arménie, Erevan a officiellement proposé à Bakou de créer un mécanisme bilatéral de surveillance de l’utilisation des armes, resté sans réponse.

Mission civile de l’UE

Mirzoyan a mis en avant l’importance de la mission civile de l’UE en Arménie, dans un contexte de tensions persistantes et au lendemain de nouvelles accusations lancées par Bakou contre Erevan d’être un boutefeu régional. « Nous estimons que la présence de la mission de l’UE est nécessaire alors que les accusations mensongères contre la République d’Arménie se poursuivent. Nous poursuivons les discussions avec l’UE et espérons signer un nouveau programme de partenariat », a déclaré le ministre. Cette mission pourra prendre fin quand la frontière sera démarquée et pacifiée. 

Il a également évoqué des progrès dans le dialogue Arménie-UE sur la libéralisation des visas.

Quid des “Azerbaïdjanais occidentaux”

L’appellation donnée par Bakou aux populations azéries qui vivaient en Arménie soviétique est révélatrice de prétentions territoriales, mal masquées derrière le vocable des “droits des Azerbaïdjanais occidentaux”. Le ministre a fermement rejeté l’existence de tels droits. Il reconnaît volontiers que dans le contexte de la fin de l’URSS, les Azerbaïdjanais vivant en Arménie sont pour la plupart partis, mais rappelle que leur départ s’est fait “globalement de manière civilisée”, sans comparaison avec les pogroms anti-arméniens qui ont eu lieu en Azerbaïdjan entre 1988 et 1990. D’après lui, les faits témoignant de la marche correcte de ces départs sont les suivants : 

  • 100 familles ont vendu leurs appartements,
  • Plus de 12 000 personnes ont échangé leur logement avec des Arméniens vivant en Azerbaïdjan,
  • Plus de 160 000 personnes ont été indemnisées par le gouvernement arménien de l’époque.

L’Arménie ne se prépare à aucune forme de dialogue avec de “soi-disant associations des droits des Azerbaïdjanais de l’ouest”, dont les liens avec le gouvernement azerbaïdjanais d’Ilham Aliyev sont évidents, voyant dans l’alimentation de ce thème des risques de nouvelles tensions.