Le dernier documentaire du journaliste et réalisateur Tigran Paskevichyan éclaire non ceux qui portent les armes, mais ceux qui, tous les jours, à l’arrière, tissent les fils essentiels du soutien et de la solidarité avec les combattants. “La guerre de l’intérieur” nous invite dans l’intimité des mobilisés de l’arrière en Ukraine. Des images et des récits qui convoquent bien des souvenirs récents de l’engagement sociétal des Arméniens dans la guerre des 44 jours, en 2020. Si l’Ukraine et l’Arménie ont été largement séparées par la géopolitique – hâtivement lue par certains, manipulée par d’autres -, leurs expériences de la guerre depuis 2014, et a fortiori depuis 2022, ont largement de quoi rapprocher. Hommage de Paskiévichyan à la solidarité résistante et enseignements de la mobilisation d’une société dans une guerre longue.
Le 27 mars 2024 a eu lieu la première de “La guerre de l’intérieur”, une œuvre cinématographique signée Tigran Paskevichyan. Ce documentaire, plongeant au cœur de la longue guerre en Ukraine, éclaire des visages méconnus des conflits, loin du front, mais contribuant à l’effort de tout un peuple par leur dévouement et leur entraide. Réalisé en collaboration avec le centre documentaire “Faktum”, Paskevichyan a immergé sa caméra dans l’intimité de la guerre pendant deux semaines au cours de l’été 2023. De Kharkiv à Donetsk, en passant par Dnipro, le réalisateur a capturé l’essence de la résilience ukrainienne : ces citoyens qui, sans armes, défendent leur nation avec le plus puissant des boucliers, l’amour et le soin mutuel.
Le film dépeint cinq histoires de bénévolat, tissant un lien poignant avec les actualités qui relatent les tragiques répercussions du conflit. Dans un bâtiment historique de Kharkiv, des femmes se rassemblent pour confectionner des filets de camouflage, tandis qu’un café transformé en cantine soutient l’effort de guerre en nourrissant tous les jours les soldats. La guerre, devenue le quotidien de l’Ukraine, voit ses citoyens embrasser le rôle de volontaires, affrontant les alertes de raids aériens pour apporter une aide indispensable. Parmi les témoignages recueillis, celui de Vahe Mamikonyan. Avant la guerre, Vahé était président de la branche de Kramatorsk de l’Union des Arméniens d’Ukraine. Il a depuis établi un centre régional pour canaliser l’aide à ceux en première ligne, symbolisant l’entraide transnationale.
Paskevichyan souligne l’importance de documenter cet élan de solidarité collective qui s’est manifesté dès 2014 et qui n’a fait que se renforcer avec l’épreuve actuelle. Il nous offre aussi un regard croisé sur les guerres qui secouent l’ancien espace soviétique depuis 2020. Ce phénomène de rassemblement n’est pas étranger à la société arménienne qui, lors du conflit de 2020, s’est mobilisée pour soutenir ses défenseurs, à travers les gestes concrets de solidarité de chacun ou bien, de manière plus organisée, via des associations spécialisées ou non, des écoles ou encore des entreprises. “La guerre de l’intérieur” projette la lumière sur ces phénomènes moins documentés des conflits, révélant la diversité de la mobilisation qui compose le visage de la résistance et de l’espérance.