Par Taline Papazian
A Granada, la médiation européenne prévue dès avant l’attaque azerbaïdjanaise contre le Haut-Karabakh du 19 septembre dernier est devenue une rencontre entre l’Arménie, l’Allemagne, la France et l’Europe. L’occasion d’un nouveau souffle peut-être pour ce format de médiation parallèle et concurrent à celui de la Russie, qui a perdu depuis longtemps en crédibilité aux yeux des Arméniens, et qui de facto n’a plus de raison d’être depuis le 20 septembre 2023.
La situation post-19 septembre est nouvelle par deux aspects : le nettoyage ethnique de l’Artsakh a eu lieu et la déclaration de cessez-le-feu de 2020 est de fait caduque. Les Européens souhaitaient sans doute marquer le pas. La déclaration quadripartite faite à l’issue de la rencontre ainsi que les déclarations du Président du Conseil Charles Michel laissent comprendre que la médiation européenne souhaitait proposer des principes cadres, au moins provisoires, à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan. Pour toutes ces raisons, Aliyev s’est désisté à la dernière minute. Ce qui était prévu : reconnaissance réciproque de l’intégrité territoriale ; délimitation des frontières sur la base des accords d’Alma-Ata de 1991 et de la prééminence des cartes les plus récentes de l’Etat-major soviétique ; et enfin, ouverture des infrastructures et des communications dans la région, y compris entre l’Arménie et la Turquie, sur la base du respect de l’intégrité territorial, de la souveraineté de chaque Etat, et de la réciprocité.
Deux éléments nouveaux et importants pour l’Arménie : la Turquie ; et la réciprocité. Bakou, qui a toujours dit que le corridor du Zanguezour était un équivalent du corridor de Latchine pour le Nakhitchevan, se trouve dépourvu désormais de cet argument. Il y a donc, peut-être, la possibilité d’introduire un élément nouveau dans les discussions autour du « corridor du Zanguezour » pour que le format soit plus bénéfique pour l’Arménie, par exemple en demandant une voie que l’Arménie souhaiterait avoir. La Mer Noire turque pourrait être proposée dans le but de désenclaver la région en promouvant les échanges touristiques et commerciaux. Pour dramatique que soit la situation des Arméniens, il y a peut-être certaines opportunités qui n’existaient pas dans la situation précédente.
Cependant, pour que des opportunités éventuelles puissent être envisagées, il nous faut une diplomatie arménienne proactive et courageuse, qui ne reste pas dans le ballotement des événements et prenne des décisions. D’un côté, l’Arménie doit augmenter sa résilience et diminuer les tentations azerbaïdjanaises –et, via Bakou, turques et russes-d’utiliser la violence et l’agression comme ses instruments de prédilection. De l’autre côté, elle doit pouvoir proposer des possibilités de coopération à ce même Azerbaïdjan, et également à la Turquie, sensible à l’argument économique. La prochaine rencontre sous médiation européenne est prévue fin octobre. En parallèle, Bakou a exprimé le souhait d’une rencontre régionale, éventuellement sous médiation géorgienne.